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Siegfried Kessler / Jean-François Pauvros "Phenix 14" (Le chant du monde 1978)

Publié le par disch

Siegfried Kessler / Jean-François Pauvros "Phenix 14" (Le chant du monde 1978)

Il existe plusieurs moyens de maitriser la peur du vide. En musique, c'est seul face à son instrument qu'elle se révèle la plus pressante. Mais l'improvisation, cet instant de bonheur en apesanteur qui récompense de longues années de travail se mue parfois en minutes d'ennui : l'extase ou la honte. Pour maitriser la crainte, il faut savoir lacher prise comme on dirait dans les télé-crochets à la mode, se jeter tout nu dans la gueule de l'ogre. Le vide domine aussi l'amateur de voltige aérienne. Aux manettes de son coucou, il n'est alors nullement question d'improvisation pour le pilote, tout semble pensé étudié, un outil pour chaque fonction, des cadrans des chiffres, un manche à balai et tant d'autres choses à gérer. A force de calme et de maîtrise, il s'envolera pour les pires acrobaties en défiant la gravité. L'improvisation et la technique, poussés à leur paroxysme restent rares, et quand ces deux qualités se retrouvent chez un seul homme, celà confine à l'exceptionnel.

Siegfried Kessler, pianiste allemand et installé en France était de ce bois assez spécial. un fanatique de la voltige, un vrai, à tel point qu'il en fera un disque, à une époque où le talent permettait encore certaines audaces. Phenix 14 est ainsi un recueuil d'impressions, de musiques et de tensions librement inspirées des avions, de l'air, du métal et du combat inégal qu'ils se livrent sans répit.

Siegfried Kessler / Jean-François Pauvros "Phenix 14" (Le chant du monde 1978)
Siegfried Kessler / Jean-François Pauvros "Phenix 14" (Le chant du monde 1978)
Siegfried Kessler / Jean-François Pauvros "Phenix 14" (Le chant du monde 1978)
Siegfried Kessler / Jean-François Pauvros "Phenix 14" (Le chant du monde 1978)

Accompagné par Jean-François Pauvros à la guitare, le duo improbable ressemble à l'un des ces alliages improbables de cinéma où les deux héros qui s'opposent finissent meilleurs potes. Avec sa tignasse à la Tahiti-Bob et ses petites lunettes Pauvros ressemble à un objecteur de conscience tout pret à se faire sermonner par le sergent Kessler qui avec son regard d'acier et son accoutrement d'aviateur fait furieusement penser à un mec qu'il faut pas trop faire chier. Mais la musique des deux hommes, instinctive à l'excès, bouillante, frémissante ("Pizzicato d'antennes"), énergique, elle n'a rien d'artificiel, elle vous parle du ciel et elle vous parle aux tripes.

Le grand écart d'ailleurs ne s'arrête pas aux protagonistes. Le parcours musical de Siegfried Kessler , capable aux côtés de Didier Levallet aussi bien des audaces les plus free, comme d'accompagner le très classique chanteur Jacques Bertin, et ce toujours sur le très institutionnel et passionnant label "Le Chant du Monde" qui aura donné la paroles à toutes les musiques et toutes les révoltes que ces dernières charriaient derrière elles. L'excellence au service des chanteurs plus ou moins populaires d'alors semble bien être le témoin d'une époque révolue où les connexions humaines faisaient fi des étiquettes en tous genres. Dans la même veine, on pense à François Béranger qui jouait en tout décontraction aux côtés du grand guitariste Jean-Pierre Alarcen (et vice et versa) sans que celà s'offusque personne. Et plus profondément encore, cette musique absolument libre fait le grand écart. L'album se conclue par Phenix Re-naissance, morceau passionnant, écartelé entre les deux musiciens. Enlevez la guitare, il reste Kessler qui joue quelques notes contemporaines, enlevez le piano, il reste un solo de guitare poisseux, violent, mais ensemble le grand vaudou opère.

Siegfried Kessler / Jean-François Pauvros "Phenix 14" (Le chant du monde 1978)Siegfried Kessler / Jean-François Pauvros "Phenix 14" (Le chant du monde 1978)Siegfried Kessler / Jean-François Pauvros "Phenix 14" (Le chant du monde 1978)
Siegfried Kessler / Jean-François Pauvros "Phenix 14" (Le chant du monde 1978)
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